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Les Femmes à la fête de Cérès

Le seul caractère chronologique de cette pièce, est qu'elle a été représentée pendant la guerre. Du reste on ne peut en marquer l'année. La pièce est une satire contre Euripide . Quant au sujet du nom de Thesmophoriazouses que le poète lui a donné, il faut savoir qu'on célébrait trois fêtes de Cérès à Athènes, Démètria, Thesmophoria, et Eleusinia. Les femmes seules célébraient les Thesmophories, qui est proprement la fête de l'institution des lois. Si l'on en veut croire Plutarque , les femmes s'y comportaient fort sagement. Elles jeunaient rigoureusement ; et pour être plus chastes, elles couchaient sur des paillasses d'agnus-castus. Le caractère de son esprit, en matière de religion, était fort au dessous de cette solidité de jugement qu'il fait admirer dans ses vies. ainsi son témoignage nous doit donner plus d'idée du droit que du fait. Les Athéniennes n'étaient pas plus sages que les romaines ; et Juvénal nous apprend que celles-ci, cédant au tempéramen ant, introduisaient dans le temple et dans les cérémonies de Cérès des indécences très criminelles. Voyez la satire 6, où après avoir décrit un peu trop pathétiquement les débauches que les femmes pratiquaient aux mystères de la déesse Bonne, il ajoute : Atque utinam ritus veteres et publica saltem

his intacta malis agerentur sacra ; sed omnes

Noverunt Mauri atque Indi quae psaltria penem

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Majorem quam sint duo Caesaris anti-catones

Illuc, testiculi sibi conscius unde fugit mus

Intulerit, ubi velari pictura jubetur

Quaecumque alterius sexûs imitata figuram est.
Ces anti-Catons de César étaient de gros rouleaux et ces chanteuses qui en introduisaient de vivants dans un lieu dont les prêtres étaient coupés, et où les figures même du sexe masculin étaient interdites, se moquaient et de Cérès et de la pureté prétendue de ces mystères. Aristophane ne nous fait point entendre que les mystères fussent ainsi profanés de son temps. Mais son silence ne prouve rien pour la chasteté de ces fêteuses. Il avait un autre objet qui était de turlupiner Euripide .

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Les femmes à la fête de Cérès

Personnages

  • Euripide, sous plusieurs figures.
  • Mnésiloque, allié d'Euripide, aussi sous plusieurs figures.
  • Agathon, mauvais poète, effeminé.
  • Le valet d'Agathon.
  • Le chœur de femmes de la fête.
  • Un hérault.
  • Des femmes.
  • Clisthène.
  • Un directeur ou Prytane.
  • Un archer Scythe.
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(a) Le poète raille sur ce qu' Euripide aura dit en quelqu'endroit : Il est inutile de vous dire ce que vous allez voir dans un moment

Mnésiloque , Euripide . Mnésiloque.

O ! Jupiter ! entendra-t-on bientôt gazouiller les Hirondelles ? Cet homme me tue, en me faisant roder dès la pointe du jour. Sera-t-il permis, avant que j'aie perdu toute ma rate à force de courir, de savoir de toi, mon cher Euripide , où tu me mènes ?

Euripide.

Il est inutile que tu entendes ce que tu dois voir tout à l'heure.

Mnési.

Dis-le encore une fois, que je comprenne (a) . Je ne dois pas entendre …...

Euri.

Ce que tu dois voir tout à l'heure.

Mnési.

Il ne faudrait donc pas non plus, que je visse.

Euri.

Ce que tu devrais entendre ? Non.

Mnesi.

Que dis-tu là ? Cela est si subtil que je n'y entends pas. Et ce que tu veux, que je ne voie ni n'entende à cause que l'un et l'autre sont incompatibles?

Euri.

Cela est vrai.

Mnési.

Comment donc ?

Euri.

Il y a longtemps que ces deux choses sont distinguées. Quand la masse de l'air commença à se débrouiller, et les animaux à se mouvoir dans les espaces imaginaires, le premier trou qui

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fut fait, fut celui par où l'on doit voir, c'est à dire l’œil, qui fut placé dans la tête comme le soleil du corps ; après cela fut percé le trou par où l'on devait entendre, et l'oreille y fut plaquée comme un entonnoir.

Mnési.

Voilà un entonnoir qui est cause que je ne vois, ni j'entends. J'ai pourtant bien du plaisir d'apprendre tant de belles choses. Ce que c'est que de hanter les savants !

Euri.

Je t'en apprendrai bien d'autres.

Mnési.

Comment donc ?

Euri.

Outre tant de bonnes choses, je t'apprendrais encore une subtile invention, au moyen de laquelle tu ne clocherais plus. Viens çà, et m'écoute attentivement.

Mnési.

Me voilà.

Euri.

Vois-tu cette porte ?

Mnési.

Il m'est avis, par Hercule , que oui.

Euri.

Tais toi donc.

Mnési.

Je me tais. Eh ! bien, cette porte ?

Euri.

Écoute.

Mnési.

J'entends et je me tais. Cette porte ?

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Euri.

C'est là que demeure le fameux Agathon poète tragique.

Mnési.

Quel Agathon ? Est-ce le noir, le vigoureux Agathon ?

Euri.

Non. C'en est un autre. Ne l'as tu jamais vu ?

Mnési.

Est ce l' Agathon qui a cette barbe épaisse et touffue ?

Euri.

Non. Ne l'as-tu jamais vu celui que je veux dire ?

Mnési.

Non, par ma foi, que je sache.

Euri.

Tu ne l'as point vu ? Je gage que tu as couché avec lui et joui de ses faveurs ; mais ne t'en souviens pas. Frappons à la porte. Je vois son valet qui sort avec du feu et des couronnes de myrte, comme pour faire un sacrifice poétique.



Le valet d'Agathon . Mnésiloque . Euripide . Le valet.

Que tout le peuple ferme la bouche et fasse silence. Le sacré cœur des Muses est occupé dans la maison de mon maître, à faire des vers. Que l'air tranquille retienne l'haleine des vents. que les flots verdoyans de la mer ne fassent point le moindre bruit.

Mnési.

Peste !

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Euri.

Tais-toi. Tu parles ?

Le va.

Dormez oiseaux, petits et grands. Que les pieds des bêtes féroces qui habitent les forêts demeurent enchainés par le repos.

Mnési.

Malapeste !

Le va.

Le fameux versificateur Agathon mon maître s'en va....

Mnési.

Se faire faire.

Le va.

Qu'ai je entendu ?

Mnési.

L'air tranquille.

Le val

...poser les fondements d'un poème nouveau, et mettre ses vers au tour, les coller, former former des sentences et des antonomases, jeter des pensées nouvelles en moule, les arrondir, les fondre au creuset.

Mnési.

Et les...

Le va.

Qui est ce mortel grossier qui s'approche de nos balustres ?

Mnési.

Un homme tout prêt à monter sur le dos de ton maitre le beau versificateur, et sur le tien, et à vous faire éprouver à tous deux comme je sais jeter en moule.

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(b) Il s'ensuit de là que les Thesmophories duraient 5 jours.

Le va.

Voilà un vieillard bien insolent, pour son âge.

Euri.

Crois moi, laisse le ; et me fais venir ton maître à quelque prix que ce soit.

Le va.

Ne te donne point la peine de m'en prier ; il sortira bientôt de lui-même, et pour cause ; parce qu'il a commencé un poème, et comme nous sommes en hiver, il ne peut plier ses vers s'il ne les met un peu au Soleil.

Mnési.

Et moi que ferai-je donc ?

Euri.

Attends. Le voilà qui sort.

Mnési.

O ! Jupiter ! que veut-il donc faire de moi aujourd'hui ? Au nom des Dieux, je veux le savoir. Qu'est-ce que tout ceci ? D'où vient que tu soupires ? Qu'as-tu ? Ne me le cache point, à moi qui suis ton beau frère.

Euri.

C'est un mauvais tour qu'on me prépare demain.

Mnési.

Mais comme quoi ?

Euri.

On va juger aujourd'hui si Euripide doit vivre ou mourir.

Mnési.

Comment cela ? Les tribunaux sont fermés, le conseil ne se tient point ; c'est aujourd'hui le troisième jour des Thesmophories (b) , le beau

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(c) Ce gâteau appelé Pyramus, était fait de miel bouilli et de blé rôti, et se donnait comme un prix à ceux qui dans les festins avaient passé la nuit sans dormir.

milieu de la fête.

Euri.

C'est cela même qui me fait trembler pour ma vie ; car les femmes, qui m'en veulent, doivent, à l'occasion de la fête de Cérès et de sa fille , s'assembler aujourd'hui contre moi !

Mnési.

Et pourquoi cela ?

Euri.

Parce que je parle mal des femmes dans mes tragédies.

Mnési.

Par Neptune ! Tu n'aurais que ce que tu merites mérites. Mais qu'attends-tu de ce demi-homme ?

Euri.

Je veux essayez essayer de persuader au poète Agathon de se fourrer parmi les femmes à cette fête.

Mnési.

Pourquoi fa Pourquoi faire ? je t'en prie.

Euri.

Pour être de l'assemblée avec elles, et parler pour moi, s'il le faut.

Mnési.

Comment cela ? Tout à découvert, ou secrètement ?

Euri.

En cachette, déguisé sous un habit de femme.

Mnési.

L'invention est jolie, et tout à fait de toi. Car en matière de subtilité, le gâteau (c) est à nous.

Euri.

Tais-toi.

Mnési.

D'où vient ?

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Euri.

Le voilà qui sort.

Mnési.

Où est-il ?

Euri.

Ne le vois tu pas avec cette robe de chambre chamarrée de pourpre ?

Mnési.

Il faut que je sois aveugle, car en vérité je ne vois point d'homme ici. Je n'aperçois qu'une espèce de catin, comme qui dirait la fameuse Cyrène à douze postures.

Euri.

Tais toi. Je l'entends qui prélude en fredonnant.

Mnési.

Il ne chantera que les sentiers des fourmis, ou quelque chose de semblable avec son petit fil de voix.



Agathon . Le chœur . Agathon

Filles ! Prenez en main la lampe consacrée à la aux déesses de là bas. Chantez et dansez avec votre patrie si jalouse de sa liberté.

Le chœur.

Auquel des Dieux s'adresse cet hymne ? Apprends-le moi. Je pense que tu les honores comme tu le dois.

Aga.

Allons muse , dépêche-toi d'armer Phébus le maitre des flèches d'or, qui a raffermi les contrées qu'arrose le Simoïs.

Le ch.

Recois agréablement ces belles chansons, ô

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Phébus ! Toi qui remportes toujours le prix sacré dans les combats de l'harmonie.

Aga.

Célébrez aussi la farouche Artemis , pucelle qui fréquente les monts engendre-chênes.

Le ch.

Je chante volontiers la vénérable géniture de Latone , la chaste Diane .

Aga.

Chantez Latone , et d'un pied régulièrement irrégulier, dansez au son des instruments asiatiques, avec cette bonne grâce naturelle aux Phrygiens.

Le ch.

J'honore la reine Latone , en accompagnant d'une voix savante la lyre mère des hymnes. Voilà le feu qui sort de ses yeux divins, excité par nos cris subits. Que tout le monde respecte Phébus ; honneur à l'heureux fils de Latone . Que fais-tu là, vieillard ? Tu chantes bien lamentablement.



Mnésiloque . Agathon . Euripide . Mnési.

Quelle est douce, cette chanson ! Venez Vénérables Déesses qui présidez à l'enfantement ! Qu'elle est féminine ! Qu'elle est molle ! Qu'elle est joliment faite ! Je jure qu'au moment que je l'ai entendue, j'en ai ressenti un prurit délicieux. Et toi, mon enfant, je veux te demander, en parodiant la Lycurgie d' Eschyle : De quel pays est cette femme ? Quel habit est-ce là ? Comment vis-tu ? Qu'a de commun la lyre avec l'habit de

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de femme, l'archet avec la coiffe, la lampe de cabinet avec le ruban de Tête, le miroir avec l'épée ? Qui es tu, mon fils, ou ma fille ? T'a-t-on nourri nourri pour homme ? Mais si cela est, où est ton chose? Où est ta casaque ? Où sont tes gros souliers. Mais si tu es une femme, où sont tes tétons ? Que dis-tu ? Pourquoi gardes tu le silence ? Faut il que je devine par ton chant qui tu es ? Puisque tu ne veux point parler.

Aga.

O ! Vieillard ! Vieillard ! J'entends fort bien toutes les impertinences odieuses que tu me dis ; mais je m'en moque. Je porte un habit conforme à mes idées. Car il faut qu'un poète acco m mode ses mœurs aux pièces qu'il compose. Ainsi, quand on met les femmes sur la scène, il faut que qu' comme on a des femmes dans l'esprit, on les représente aussi dans les habillements.

Mnési.

Si bien que quand tu représenteras Phèdre , il faudra que tu aies le cul chaud comme elle ?

Aga.

Quand nous représentons les hommes, nous avons en nous mêmes tout ce qu'il faut pour y réussir ; mais quand on a des rôles de femmes à traiter, encore faut il s'aider de quelque chose.

Mnési.

Ainsi, quand tu feras des rôles de Satyre , appelle moi, je fournirai la queue, en me

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X

tenant derrière toi.

Aga.

D'ailleurs, cela est grossier, de voir un poète barbu et velu comme un ours. Vois moi ces poètes fameux, Ibyque , Anacréon , Alcée , qui ont eu le bon goût de l'harmonie. Ils portaient la mitre et chevauchaient comme des Ioniens. Le Phrynique (car tu as pu l'entendre) n'était ce pas un bel homme et toujours propret ? C'est pour cela que toutes ses poésie sont des poupines. En un mot tout ce que nous faisons nous ressemble..

Mnési.

C'est donc pour cela que Philoclès , qui est si laid, ne fait rien que de laid ; que Xénoclès , qui est un méchant, ne fait rien qui ne soit détestable ; et que le froid Théognis ne compose rien qui ne nous gèle ?

Aga.

C'est une nécessité ! Comme j'en suis donc convaincu, j'ai dû prendre soin de ma propre personne.

Mnési.

Comment ? De par tous les Dieux.

Aga.

Ne crie point si haut. Je n'étais pas plus grand que cela, quand je me mis à faire des vers.

Euri.

Par Jupiter ! Je ne porte guère d'envie à ton bonheur ni à ton esprit. Mais laisse-moi dire ce que m'a contraint de venir ici.

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Aga.

Dis.

Euri.

Agathon ! Il est d'un habile homme, de savoir dire beaucoup de choses en peu de mots. Surpris d'un nouveau malheur, je viens ici te faire une très humble requête.

Aga.

De quoi as-tu besoin ?

Euri.

Les femmes ont résolu de me perdre aujourd'hui à l'occasion de la fête, parce que je dis du mal d'elles.

Aga.

Et que pouvons nous faire pour toi ?

Euri.

Beaucoup. Si tu peux te fourrer parmi les femmes, et passer pour être de leur sexe, tu me sauveras, sans doute, en parlant pour moi, comme tu le sauras bien faire.

Aga.

Que ne vas tu faire ton apologie toi-même ?

Euri.

Je te le dirai. Premièrement, on me connaît. Et puis, je suis gris et barbu ; au lieu que tu es beau, tu es blanc ; tu as toujours la barbe rase, une voix féminine, un teint délicat, la peau douce.

Aga.

Euripide !

Euri.

Qu'y a-t-il ?

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(x) 2 vers passés

Aga.

Tu es auteur ; tu es bien aise de voir la lumière du jour ; et ton père, s'il vivait encore, en serait bien aise aussi.

Euri.

Sans doute.

Aga.

N'espère donc pas que de tes maux j'en fasse les miens. Il faudrait que je fusse fou. Porte ton fardeau en homme de cœur. Ce n'est pas par des plaintes qu'on soulage ses douleurs ; c'est en les supportant vigoureusement.

Euri.

Que crains tu ? (x)

Aga.

J'ai plus à craindre que toi.

Euri.

Comment cela ?

Aga.

Comment ? Les femmes s'imag s'imagineront que je ne me serai fourré parmi elles la nuit, que pour leur dérober leurs plaisirs.

Euri.

Tu as quelque espèce de raison ; car on dit que tu as quelque fois des amants. Mais somme toute, feras tu ce que je te demande ?

Aga.

Ne t'y attends pas.

Euri.

O ! Trois fois malheureux Euripide ! C'est donc fait de toi ?

Mnési.

Mon cher frère ! ne te manque point à toi même.

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Euri.

Eh ! Comment faire ?

Mnési.

Envoie celui-ci se faire pendre ; et fais de moi tout ce que tu voudras.

Euri.

Eh ! bien donc, puisque tu te livres à moi, dépouille ton manteau.

Mnési.

Le voilà à terre. Que veux-tu faire de moi ?

Euri.

Je veux raser tout ceci, et flamber ce qui est là bas.

Mnési.

Tout comme il te plaira, puisque je me suis mis en ton pouvoir.

Euri.

Agathon ! Tu n'es guères sans instruments dépilatoires ; prête nous un rasoir.

Aga.

Voilà l'étui, prends celui que tu voudras.

Euri.

Tu es un brave homme. Assieds-toi. Enfle ta joue droite.

Mnési.

Ahi !

Euri.

Qu'as-tu ? Je te mettrai un baillon si tu ne veux te taire.

Mnési.

Hélas ! Hélas !

Euri.

Où cours tu ?

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Mnési.

Je vais chercher un asile auprès des vénérables Euménides . Je ne puis, par Cérès , endurer davantage qu'on m'écorche.

Euri.

On se moquera de toi, si tu te montres la moitié du menton ras, et l'autre velue.

Mnési.

Que m'importe ?

Euri.

Ne m'abandonne point, au nom des Dieux. Viens ça.

Mnési.

Que je suis malheureux !

Euri.

Tien toi bien. Lève le menton. Où tournes tu le nez ?

Mnési.

Ahi ! Ouf !

Euri.

Qu'as-tu ?

Mnési.

Voilà qui est bien. Je puis désormais m'enroler dans l'infanterie légère.

Euri.

Ne t'embarasse point. Te voilà beau comme les amours. Veux tu te voir ?

Mnési.

Comme il te plaira.

Euri.

Mire toi. Te vois tu ?

Mnési.

Non. Je vois Clisthène .

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Euri.

Lève toi, que je flambe. Plie toi.

Mnési.

Hélas ! tu me vas mettre comme un cochon de lait.

Euri.

Qu'on m'apporte de là-dedans, une lampe ou un flambeau. Baisse toi. Prends garde à la queue.

Mnési.

J'en aurai soin, pardieu. Je brûle ; ahi ! De l'eau, de l'eau, mes voisins, avant que la fla... flamme m'ait gagné le cul.

Euri.

Courage.

Mnési.

Comment, courage ! Je suis tout brûlé.

Euri.

Voilà le plus fort fait.

Mnési.

Fi ! que de suie. J'ai l'entrefesson tout charbonné.

Euri.

Ne t'embarrasse pas ; il se trouvera quelqu'un qui te l'ess... l'essûira.

Mnési.

Je ne crois pas qu'il y ait personne assez hardi pour venir me le laver.

Euri.

Agathon ! Puisque tu ne daignes te livrer toi-même ; prête nous au moins cette robe et ces rubans. Tu ne diras pas, que tu n'en as pas.

Aga.

Prenez, et vous en servez. Je n'y ai point de regrets.

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Euri.

Que prendrai-je donc ?

Aga.

Premièrement, mets-lui cette robe légère.

Euri.

Par Vénus ! Qu'elle sent bon !

Aga.

Relevez la comme il faut. Dépéchez. Mettez la grande ceinture.

Euri.

Voilà qui est fait.

Mnési.

Je vous prie, accommodez moi bien par derrière et sur les hanches.

Euri.

Il faut un bonnet et une mitre.

Aga.

Voilà mon bonnet monté que je me mets la nuit.

Euri.

Par Jupiter ! Il lui vient fort bien.

Mnési.

Croyez vous qu'il me soit juste ?

Aga.

Il fait à merveille.

Euri.

Donne la robe ronde.

Aga.

Il n'y a qu'à la prendre sur mon lit de repos.

Euri.

Il faut des souliers.

Aga.

Prends les miens que voilà.

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Mnési.

Mais me seront ils bons ?

Aga.

A moins que tu n'aimes la chaussure large. Essaie les, si tu veux. Voilà tout juste ce qu'il te faut.1

Mnési.

Il ne me faudrait plus qu'un galant homme pour me ramasser.

Euri.

Voilà qui ressemble à une femme dans la perfection. Il ne te manque plus que de parler en femme ; et d'une manière persuasive.

Mnési.

Je tâcherai de m'en acquitter de mon mieux.

Euri.

Marche donc, maintenant.

Mnési.

Je n'en ferai rien, par Apollon , si tu ne me jures.

Euri.

Quoi ?

Mnési.

De me sauver de ton coté, et d'employer pour cela toutes les inventions possibles, s'il m'arrive quelque accident fâcheux.

Euri.

Je jure donc par l'air, le palais du plus grand des Dieux...

Mnési.

C'est comme si tu jurais par la maison d' Hippocrate .

Euri.

Je le jure par tous les Dieux ensemble.

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(d) Il fait allusion à un vers d' Euripide , où il fait dire à un impie ; c'est la langue qui a juré et non l'esprit.

Mnési.

Mais prends garde que ce ne soit pas ici la (d) langue qui jure plutôt que l'esprit ; afin que tu ne dises pas après cela : ce n'est pas moi qui ai juré.

Ici l'on entend les cris des femmes, et la procession s'avance. Euri.

Dépêche toi ; voilà le signal de l'assemblée qui parait sur le temple des Thesmophores . Je m'en vais.

Mnésiloque (en femme)

Suis moi, ma fille ! Vois que de lampes allumées ! Que de fumée s'élève dans les airs ! O ! belles Déesses ! Recevez moi agréablement, et me faites la grâce de retourner au logis sans mauvaise aventure. Prends ma corbeille, ma fille ; tire le gâteau, que je l'offre aux Déesses. Vénérable Cérès ! et toi, aimable Proserpine ! Faites moi la faveur de vous sacrifier souvent de pareilles offrandes. Si non, que je puisse me cacher sans être découverte ; que ma fille puisse trouver un mari riche et sot ; et que je sois attentive au cantique du sacré Ithyphalle. Où trouverai-je un lieu net pour m'asseoir et entendre tout à mon aise les rhéteurs ? Va t'en, ma fille, il n'est pas permis aux esclaves d'entendre ces discours mystérieux.



Le hérault . Le chœur . Une femme. Une autre femme. Mnésiloque .
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(g) Nourrice et compagne de Cérès , ou la fertilité. Erycton lui avait dressé un autel dans la citadelle, et avait ordonné qu'on lui sacrifierait avant tous les autres Dieux.

(h) Voilà la formule : ad utilitatem quoque nostram

(i) Exclamation prise du combat d' Apollon contre Typhon . Les autres Dieux lui criaient : ἴέ πάιαν, ἴέ πάιαν. C'est à dire : frappe Péan .

Le hérault.

Silence ! Silence ! Adressez vos vœux aux Déesses, à Cérès et sa fille, à Pluton , à (g) Calligènie , à [?] la terre notre nourrice ; à Mercure ; aux Grâces ; afin que tous ensemble favorisent cette assemblée et la fassent réussir à l'avantage de la ville d' Athènes et à (h) notre profit en particulier ; et que celle qui aura inventé le plus heureusement, ou dit avec le plus d'éloquence quelque chose d'utile au peuple athénien, et aux femmes, puisse remporter la victoire. Que ce soit là votre prière ; et puissiez vous (i) réussir. Ïo Péan ! Ïo Péan ! Ïo Péan ! Réjouissons nous !

Le ch.

Prions les Dieux qu'ils daignent nous faire sen tir [?] en se montrant à nous, que nos vœux leurs soient agréables. Grand Jupiter ! Et toi, Dieu à la lyre d'or , qui habites dans la sacrée Délos ! Et toi, fille toute puissante aux yeux bleus et à la lance d'or, qui habite cette ville magnifique ! Viens ici, Toi qui as tant de noms ! Le dompte-monstres, fils de Latone , rejeton de la Déesse aux yeux d'or ! Et toi, vénérable Neptune Dieu des flots, qui gouvernes la mer ! laisse tes retraites poissonneuses et les gouffres toujours agités de Nérée. Et vous, filles de la mer, venez avec les Nymphes trace-montagnes. Que la lyre d'or résonne en accompagnant nos hymnes. Et puissent les nobles femmes des Athéniens tenir tranquillement leur assemblée.

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Le hé.

Priez les dieux et les déesses de l' olympe, les Pythiens et les Pythiennes, les Déliens, et les Déliennes, enfin tous les Dieux, quels qu'ils soient, que puisse périr avec toute sa maison quiconque machine quelque chose contre l'état des femmes ; qui parlera de faire la paix avec Euripide ; qui aura commerce avec les Mèdes, à mauvais desseins contre les femmes ; qui pense à usurper la tyrannie, ou favoriser les tyrans ; qui aura su qu'une femme aura supposé un enfant, et le dira ; la servante qui, après avoir servi de commode à sa maitresse, ira le dire au mari ; ou qui étant envoyée par sa maîtresse donner un rendez-vous, aura trompé le galant, en ne s'acq s'acquittant pas fidèlement de sa commission ; tout galant qui trompe la femme d'autrui d'autrui par des mensonges, ou qui ne lui donnera pas ce qu'il lui aura promis ; toute vieille qui achêtera des caresses à prix d'argent ; toute femme qui trahira son galant, après lui avoir accordé des faveurs ; tout cabaretier et toute cabaretière qui frelatent le vin, ou le vendent à fausse mesure ; et qu'à toutes les autres, les Dieux accordent toute sorte de biens.

Le ch.

Nous prions toutes pour le bonheur de la ville et du peuple, et pour la victoire de celles qui diront le mieux. Et périssent celles qui violent les serments sacrés, par

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avarice, ou dans le dessein de nuire ; qui cherchent à changer ce qui est établi par les lois ou les décrets du Sénat ; qui révèlent à nos ennemis les secrets inviolables ; qui font quelque chose contre la religion, ou contre l'ét l'état. O ! Jupiter ! Dieu tout puissant ! confirme tout cela ; afin que l'on connaisse que les Dieux sont avec les femmes, aussi bien qu'avec les hommes.

Le hé.

Or écoutez. Voici ce qu'a ordonné le conseil des femmes, Timoclée présidant, et Lysille faisant office de greffier. Sostrata a dit qu'il se tiendrait assemblée, quand nous en aurions le loisir, pour ordonner de la punition d' Euripide , qui nous a toutes maltraitées. Qui veut parler ?

Une femme.

C'est moi.

Le hé.

Mets donc cette couronne, avant que de commencer. Silence. Paix là. Qu'on prête attention. La voilà qui crache, comme font les avocats ; il paraît que son discours sera long.

Les femmes.

Ce n'est point l'ambition, (non, par les Déesses) qui me met la parole à la bouche ; mais le déplaisir et l'indignation que j'ai depuis longtemps, de voir de quelle manière nous traite et nous décrie cet Euripide fils de l'herbière. Quel mal n'a-t-il point dit de nous en tous les lieux où ses misérables pièces ont trouvé des spectateurs ? Il nous représente

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(h) [?] tiré d'une tragédie d' Euripide , de Phénix.

comme des personnes qui cachent leurs désordres dans les ténèbres ; qui courent après les hommes ; qui aiment le vin avec excès ; qui ne peuvent tenir leur langue ; qui sont la peste de l'état et la ruine des hommes. En sorte que nos maris, sortant du théâtre, nous regardent avec soupçon, et vont incontinent chercher si nous n'avons point fait cacher le galant quelque part. De là vient qu'examinées de si près, nous ne pouvons plus rien faire ; tant ce perfide a enseigné de malice à nos maris..... quelqu'une fait-elle une couronne ? Elle est amoureuse, dira le mari jaloux. Se perd-il un vaisseau dans la maison ? à l'honneur de qui, dira le mari, ce pot s'est-il cassé ? n'est ce pas pour cet hôte de Corinthe ? une fille est elle indisposée, son frère dit aussitôt : voilà un teint brouillé qui ne signifie rien de bon. Cette femme qui n'a point d'enfants, a-t-elle envie d'en supposer un ? il est désormais impossible d'en venir à bout parce que les maris ne bougent d'auprès d'elles. Parle t-on de faire épouser une jeune fille à un vieillard ? l'affaire est rompue, parce qu'il n'y a plus de vieillard qui n'ait ce beau dicton à la (h) bouche : Du mari décrépit, la jeune femme est maitresse. De plus, nos maris devenus jaloux, nous enferment sous le scellé. Et non contents de cette garde sévère, ils ont encore fait provision de dogues terribles, qu'ils nourrissent pour donner l'épouvante à nos amants. On souffrirait encore tout cela. Mais quoi ? nous avoir encore retranché jusqu'à la disposition des vivres, de la farine, du vin, de

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X

l'huile, que l'on commettait autrefois à nos soins. Nos maris en ont présentement la clé. Mais quelles clés ? Des clés à double et triple garde. Autrefois nous savions ouvrir la porte avec un simple crochet de trois oboles. Mais à présent ce maudit Euripide , la peste des maisons, leur a appris à se faire faire des clefs clés plus percées que du bois vermoulu, qu'ils portent toujours à la ceinture. Pour moi, je suis d'avis qu'on le fasse périr par le poison, ou de quelque autre manière. Du reste, je me rapporte à la greffière, et je signerai tout ce qui sera résolu.

Le ch.

Je n'ai jamais entendu mieux dire. Elle a parcouru toutes les espèces de son sujet ; et son discours est si bien arrangé, que quand Xénoclès fils de Carcinus parlerait après elle, je ne doute pas que nous ne convinssions toutes, que rien, et ce qu'il dirait, ne fût la même chose.

Une autre femme.

Je n'ai que deux mots à ajouter à ce que madame vient de dire. Car en effet elle a réussi parfaitement dans son accusation. Mais il faut que je dise ce qui me regarde en particulier. Mon mari est mort en Chypre, et m'a laissé cinq enfants, que j'ai eu bien de la peine à nourrir par le moyens des couronnes de myrthe que je faisais. Enfin, vaille que vaille, nous vivions. Mais depuis que ce maudit poète a commencé de persuader aux hommes dans ses tragédies qu'il n'y a point de Dieux, je ne vends presque

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plus rien. J'h J'exhorte dans toute l'assemblée à le punir au plus tôt, puisqu'il nous a fait tant de maux. Pour moi, je m'en vais au marché faire vingt couronnes que d'honnêtes gens ont commandées.

Le ch.

Cette femme a encore mieux dit que l'autre. Voyez comme elle a joliment tourné son accusation, et comme elle s'est énoncée avec esprit ! Il faut venger cette injure et la venger d'une manière éclatante.

Mnésiloque

Femmes ! Je ne trouve point étrange que votre bile s'échauffe contre Euripide . En effet peut on entendre tant de choses horribles, sans se sentir émue d'une juste indignation ? En mon particulier, je jure par mes chers enfants, que je le hais peu s'en faut, jusqu'à la fureur. Cependant il faut entendre raison. Il n'y a ici que des femmes, et ce que je vais dire ne sera point rapporté. Pourquoi trouver mauvais, si de mille tours que nous savons faire, il en a mis deux ou trois dans ses tragédies ? Moi même, (afin de ne mettre personne en jeu) il n'y avait que trois jours que j'étais mariée, et mon époux dormait à côté de moi. J'entends à la porte un ami qui m'avait oté mon pucel pucelage dès l'âge de sept ans. Je descends du lit. Mon mari me demande : où vas tu ? Où je vais ? mon cher mari ! lui dis-je. j'ai une colique épouvantable. Je vais me présenter au siège, pour voir si cela passera. Va donc, me dit il ; et en même temps il se lève, et se met à broyer du fruit de cèdre, de l'anet, et de la sauge, pour me faire

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un cataplasme. Pendant ce temps là, j'arrose les gonds de la porte, pour les empêcher de faire du bruit, et sortant dans la rue pour trouver mon cher galant, je m'appuie la tête contre le therme d' Apollon , et me tenant ferme au laurier, je présente le derrière au galant, comme les levrettes. Euripide n'a point su celui là ; non plus que comment nous nous le faisons faire par les esclaves et les... les muletiers, faute d'autres ; ni comment, après avoir passé la nuit dans le plaisir avec les galants, nous mâchons de l'ail le matin, afin que le mari revenant du rempart, ne se défie de rien. Euripide a-t'il jamais rien dit de tout cela ? Il a dit du mal de Phèdre ! Eh ! Bien, soit ; que cela nous fait il ? a t'il dit comment une femme adroite montrant au jour à son mari sa garde robe s'en sert comme d'un rideau à cacher le galant, qui s'échappe à la faveur de ce stratagème ? Je connais une femme qui fit accroire à son mari, dix jours de suite, qu'elle était en mal d'enfant, pendant qu'elle en faisait chercher un à acheter. Le pauvre homme, de son coté, courait de toutes parts chercher des remèdes pour faire accoucher. Enfin vient une vieille avec un enfant dans un pot, et l'enfant avait dans la bouche une boule de cire, pourqu'il ne criât point. Au signal de la vieille, la femme se met à crier : dehors, dehors ; mon cher mari ; je vais accoucher ; je sens l'enfant qui me donne des coups de pieds

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dans le ventre (du pot). Le pauvre homme s'encourt de joie. Le vieille ôte la boule de cire et l'enfant crie. La fausse vieille aussitôt prend l'enfant, court au mari, et lui dit en riant : c'est un lion, c'est un lion, que ta femme a fait. C'est toi tout craché, il te ressemble en tout ; il a sa petite dille1 tout comme toi, ridée plissée comme une pomme de pin. Voilà ce que nous faisons, par Diane ; et nous trouvons mauvais qu' Euripide dise quelques bagatelles de nous ?

Le ch.

Voilà une femme d'un effronterie étonnante. Quelle contrée a pu nourrir un monstre de cette sorte ? Quoi ? Oser dire de pareilles impudences ? Tant il est vrai qu'il n'y a point de pierre sous laquelle il ne soit à craindre qu'il n'y ait quelqu'avocat (je voulais dire quelque scorpion) caché ! et que de tous les animaux, le plus impudent est la femme, quand elle s'y met.

Une femme.

Femmes ! C'est malavisé à vous, par Diane la chasseresse . Il faut que vous soyez ensorcelées, pour souffrir aussi patiemment que cette malheureuse nous insulte d'une manière si outrageante. Il faut sur le champ, nous et nos servantes, prendre de la cendre chaude, et lui griller les soies de son cochon, afin qu'elle apprenne, elle qui est femme, à ne point parler mal des autres femmes.

Mnési.

Femmes ! n'en faites rien, je vous conjure.

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Ne sommes nous pas libres ? n'était il pas permis de dire tout ce que l'on voudrait ? Quel mal ai-je fait de prendre le parti d' Euripide selon ma conscience ?

Une femme.

Tu prétends donc ne pas mériter punition, toi qui seule a osé entreprendre la défense d'un homme qui nous a fait tous les maux imaginables ? qui, quand il a eu des femmes à mettre sur la scène, a choisi tout exprès des Mélanippes , et des Phèdres ! n'y avait-il pas des Pénélopes ? Mais Pénélope étant sage, il n'a pas jugé à propos de nous faire honneur, en la mettant sur le théâtre.

Mnési.

Je vous en dirai bien la raison. Il n'y a pas une femme aujourd'hui qui ressemble à Pénélope ; nous sommes toutes des Phèdres ou quelque chose de pis.

Une femme.

Entendez vous, femmes ? Ce que cette effrontée vient encore de dire contre nous toutes.

Mnési.

Pardieu ! Je n'ai pas tout dit. Voulez-vous que j'achève ?

Une femme.

Il est impossible que tu en puisses dire davantage.

Mnési.

Vous vous trompez. Je n'ai pas dit la dix-millième partie de ce que nous faisons. Ai-je parlé de ces instruments en forme

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de manches d'étrilles dont nous nous servons pour....

Une femme.

Puisses-tu périr !

Mnési.

Ai-je dit, comment après avoir donné à nos maquerelles notre part du sacrifice des apaturies, nous disons que c'est le chat qui l'a mangée ?

Une femme.

Malheureuse !

Mnési.

Ai je dit qu'une telle femme a coupé le cou à son mari avec une hache ? qu'une autre lui a fait tourner la cervelle par des philtres ? que je sais une fille d' Acarne qui a enterré son père sous une cuve ?

Une femme.

Que la peste t'étouffe !

Une autre femme.

Peut on souffrir de pareils discours ?

Mnési.

Ai je dit qu'ayant mis au monde une fille, et ton esclave ayant accouché en même temps d'un garçon, tu fis un troc, et supposas le fils de l'esclave au lieu de ta fille.

Une femme.

Tu te repentiras de toutes ces insolences, car je t'arracherai toute ta toison, brin à brin.

Mnési.

Pardieu, tu ne me toucheras pas.

Une femme.

Voyons un peu.

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Une autre.

Voyons ; c'est bien dit. Philesta , prends mon manteau.

Mnési.

Approche seulement ; et par Diane , je te...

Une femme.

Que me feras tu ?

Mnési.

Je te ferai sortir le pain d'épice que tu as mangé.

Le ch.

Cesse de nous dire des injures. Je vois venir une femme à la hâte. Qu'on se taise afin d'entendre ce qu'elle a à nous dire.



Clisthène. Le chœur . Des femmes. Mnésiloque. Clisthène.

Chères femmes, dont les mœurs conviennent si fort avec les miennes ! Vous ne doutez pas que je sois de vos amis. Il n'y a qu'à voir mes joues sans barbe. Je suis fou des femmes, et ma maison leur est connue. Comme vous savez donc que vos intérêts sont les miens, je vous dirai qu'ayant appris tout à l'heure à la place une chose qui vous regarde et qui est de la dernière conséquence, je suis venu vous avertir de prendre bien garde à vous.

Le chœur.

Qu'y a t'il donc mon fils ? car le moyen de t'appeler autrement, en te voyant les joues sans barbe.

Clis.

On dit qu' Euripide a envoyé ici aujourd'hui son beau frère, qui est un vieil homme.

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Le ch.

A quel dessein ?

Clis.

Afin de lui tenir lieu d'espion parmi vous, et de savoir tout ce que vous resoudrez contre lui.

Le ch.

Et comment cet homme peut-il se cacher parmi les femmes ?

Clis.

Euripide lui a brûlé le poil, lui a arraché la barbe, et l'a habillé en femme.

Mnési.

Et vous le croyez ! Fadaises ! Est il un homme assez bête pour souffrir qu'on lui arrache le poil ? Vénérables Déesses ! pour moi, je n'en crois rien.

Clis.

Tu te moques. Est ce que je serais venu le dire, si je ne l'avais appris de gens qui le savent de bonne part.

Le ch.

Voilà une chose étrange que l'on nous découvre. Femmes ! Il n'y a pas de temps à perdre. Il faut chercher cet homme et tacher de le découvrir. Aide nous à faire cette recherche, toi qui nous a découvert la trahison, cher cher ami, afin que nous t'ayons deux obligations au lieu d'une.

Clis.

Voyons donc premièrement qui est celle ci.

Mnési.

Que deviendra quelqu'un que je dirais bien ?

Clis.

Ne trouvez pas mauvais, je vous en prie, si l'on vous examine.

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Mnési.

Malheur à moi !

Une femme.

Est-ce que tu demandes qui je suis ? Je suis la femme de Cléonyme .

Clis.

Connaissez vous cette femme ?

Le ch.

Nous la connaissons. Aux autres.

Clis.

Qui est celle-ci, qui tient un enfant ?

Une femme.

C'est la nourrice de mon fils.

Mnési.

Je meurs de peur.

Clis.

Et toi, où vas-tu ? Demeure là. Quel mal as-tu ?

Mnési.

Laisse-moi pisser. Tu es bien effronté.

Clis.

Pisse ; je t'attendrai ici.

Le ch.

Attends là, et l'examine bien ; car nous ne la connaissons point.

Clis.

Tu es bien longtemps à pisser, ce me semble.

Mnési.

Oui, mon cher ; c'est que j'ai une strangu lation [?] causée pour avoir mangé hier du cresson.

Clis.

Quel cresson me contes tu ? Viens un peu à moi.

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?

Mnési.

Pourquoi me tirer comme cela, moi qui suis malade ?

Clis.

Qui est ton homme ?

Mnési.

Tu demandes qui est mon mari ? C'est certain homme de Cothoques .

Clis.

Qui est il ? Comment a-t-il nom.

Mnési.

C'est chose, fils de chose.

Clis.

Tu te moques de moi. Es tu venue ici quelque autre fois ?

Mnési.

Eh ! Oui ! De par Dieu.

Clis.

Combien y a t'il ? et qui était ta compagne dans ta tente ?

Mnési.

Une telle.

Clis.

Tout cela et rien, c'est la même chose.

Une femme.

Retire toi. Je vais l'examiner comme il faut, en lui demandant des nouvelles de la dernière fête. Tiens-toi là, pour ne pas entendre ce qu'il n'est pas permis aux hommes de savoir. Et toi, dis moi, quelle est la première chose qu'on montra à la dernière fête ? Parle. Quelle fut la première chose ?

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Mnési.

Nous bûmes.

La femme.

Après ? …

Mnési.

Nous portâmes des santés.

La femme.

Qui est ce qui te l'a dit ? ensuite ?

Mnési.

Celle qui était logée avec moi me demanda la terrine, faute de pot de chambre.

La femme.

Tu n'y es pas. Clisthène ! Viens ça, vois l'homme que tu nous as dit.

Clis.

Que faut-il que j'en fasse ?

La femme.

Dépouille-le ; car il ne dit rien à propos.

Mnési.

Quoi ? Vous dépouillerez une femme qui a fait neuf enfants ?

La femme.

Lâche la ceinture, impudent. Que cette femme prétendue me parait ferme et vigoureuse ! ma foi, déjà, elle n'a point de tétons comme nous.

Mnési.

C'est que je suis stérile, et n'ai jamais eu de lait.

La femme.

Tu disais tout à l'heure que tu avais eu neuf enfants ! Tiens toi droit. Où passes tu cet instrument ? le voilà qui se cachait. Peste ! qu'il est de belle couleur !

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(a) Suisas dit que les Corinthiens, pour abréger le chemin, faisaient passer leurs vaisseaux sur l' Isthme.

Clis.

Où est il ?

La femme.

Le voilà qui revient devant.

Clis.

Je ne le vois point.

La femme.

Il vient de repasser derrière.

Clis.

C'est donc ici l' Isthme de Corinthe (a) ? Tu mènes cet engin de coté et d'autre, comme les Corinthiens trainent leurs vaisseaux sur l' Isthme.

La femme.

Voilà donc le scélérat qui nous disait tant d'outrages pour défendre Euripide !

Mnési.

Malheureux ! en quel embarras me suis je jetté jeté moi-même !

La femme.

Que ferons nous ? Qu'on le garde exactement, et qu'il ne s'échappe pas. Je vais rendre compte de tout ceci aux Prytanes.

Le ch.

Allumons les lampes ! retroussons nos robes, et mettons le manteau bas, pour chercher s'il n'y a point encore quelqu'autre homme caché. Parcourons toute la place, les tentes et les rues.

Demi-chœur.

Courons d'un pied léger, et cherchons sans dire mot. Ne tardons point ; il faut user de diligence. Courons en rond. Suivez-moi ; cherchons d'un œil

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curieux s'il n'y a point d'autre homme caché. Par ici. Par là. Qu'on regarde partout. S'il ne se cache bien, il sera puni de manière à servir d'exemple aux téméraires qui méprisent les Dieux, et qui seront contraints de dire qu'il y a une providence qui veille sur les actes des hommes, et qui punit les méchants.

Le ch.

Il me semble qu'on a assez regardé partout. Je ne vois point d'autre hommes caché.



Une femme. Mnésiloque . Le chœur . Une autre femme. Une femme.

Ah ! Ah ! Où fuis tu ? L'homme ! L'homme ! Ne veux tu pas demeurer ? malheureuse que je suis ! malheureuse ! Il s'enfuit avec mon enfant qu'il m'a arraché du sein.

Mnési.

Crie tant que tu voudras ; tu ne l'auras point, si l'on ne me laisse aller ; mais je lui couperai les veines, et je l'égorgerai sur l'autel comme une victime.

La femme.

Malheur à moi ! Femmes ! ne me donnerez vous point de secours ? ne crierez vous point sur le ravisseur, pour le faire retourner ? Verrez vous avec indifférence, comme on m'enlève ma fille unique ?

Le ch.

Hélas ! Vénérables Parques ! quel nouveau prodige se présente à mes yeux ! il est donc vrai qu'il règne maintenant partout

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une impudence extrême ! Voyez ce qu'il a fait ! mes amies, voyez ce qu'il a fait.

Mnési.

Ce n'est encore que le commencement de ce que je prétends faire.

Le ch.

Quoi ? te reste-t-il encore quelque chose de plus noir à entreprendre ?

La femme.

Quoi de plus noir, que de m'avoir enlevé mon enfant ?

Le ch.

Que dire à tout cela, puisque ton impudence va jusqu'à n'en point rougir ?

Mnési.

Vous n'êtes pas au bout.

Le ch.

Tu n'en es pas non plus où tu penses. Ne crois pas te vanter que tu nous aies échappé. Tu seras puni.

Mnési.

Je souhaite qu'il n'en soit rien.

Le ch.

Quel Dieu peut prendre ta défense, dans de si grands crimes ?

Mnési.

Paroles perdues. Je ne laisserai point aller ceci.

Le ch.

Par les Déesses ! Tu ne triompheras pas longtemps de nous avoir outragées pas tes discours insolents. Nous te châtierons comme tu le mérites. Tu sentiras la fortune changée, et tu éprouveras son courroux. Manie ! Où es tu ? D'où vient que

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?

tu n'as pas apporté ce bois pour brûler au plus tôt ce méchant ? allons aux fagots de Sar [?] . Je veux faire un tison de toi avant la fin du jour.

Mnési.

Allumez ; brulez ; je m'en moque. Et toi, malheureux enfant, dépouille ta robe ; on n'accuse de ta mort que ta mère seule. Mais qu'est-ce que je vois ? Cette petite fille est devenue une outre pleine de vin, qui avait même de petits patins . O ! femmes toujours altérées ! O ! femmes insatiables ! ivrognesses qui mettez tout en œuvre pour ne point manquer de vin ! quel profit pour les cabaretiers ! quelle ruine pour nous et pour tout le ménage ménage !

Une femme.

Entasse fagots sur fagots, ma bonne Manie .

Mnési.

Entasse, entasse. Mais réponds moi auparavant. As tu donc mis ce poupon au monde ?

La femme.

Hélas ! et je l'ai porté dix mois.

Mnési.

Tu l'as porté ?

La femme.

Oui, par Diane .

Mnési.

Tient il bien trois pintes ?

La femme.

Qu'as tu fait, impudent ? n'auras-tu pas délié mon enfant, un enfant si petit que cela ?

Mnési.

Si petit ?

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La femme.

Oui, de par Dieu.

Mnési.

Quel âge a-t-il bien ? trois pintes ou quatre ?

La femme.

Environ. Il est des dernières vendanges. Mais rends le moi.

Mnési.

Par Apollon ! Je n'en ferai rien.

La femme.

Nous allons donc te brûler.

Mnési.

Brûlez. J'égorgerai cet enfant tout à l'heure.

La femme.

Eh ! non, je t'en prie. Fais plutôt de moi tout ce que tu voudras.

Mnési.

Tu es d'un bon naturel. Mais n'importe ; il sera égorgé.

La femme.

Hélas ! ma chère fille ! Manie , donne moi la coupe, que je reçoive au moins le sang de mon enfant.

Mnési.

Reçois, reçois le ; je ne te refuserai pas cette faveur.

La femme.

Peste de toi ! tu es aussi chiche qu'emporté !

Mnési.

La peau sera pour la prétresse.

La femme.

Que me dis tu qui sera pour la prêtresse ?

Mnési.

Tiens cela, toi.

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Autre femme.

Pauvre Mica ! qui t'a donc enlevé ta chère fille ?

La femme.

C'est le méchant homme que tu vois. Mais puisque te voilà, garde le bien, afin que prenant Clisthène avec moi, j'aille dire aux Prytanes tout ce que ce malheureux a fait.

Mnési.

Quel moyen me reste-t-il à présent de me sauver ? quelle invention ? Celui qui est cause de tout ceci, qui m'a précipité dans ce gouffre de maux, ne parait point encore. qui lui enverrai-je bien ? Je sais un bon moyen pour lui faire savoir de mes nouvelles, et je me souviens l'avoir vu dans son Palamède. J'écrirai que je souffre sur des rames, et je les jetterai ( comme Palamède jeta les siennes à la mer ). Peut être en parviendra-t-il quelqu'une jusqu'à lui (comme il en parvint au père de Palamède ). Mais, à propos ; je n'ai point de rames ; où trouverai-je bien des rames ? Si je jetais des images de bois au lieu de rames ? Ce n'est point mal inventé. C'est à peu près la même chose. Les rames sont de bois, et les images sont de bois aussi. Travaillez mes mains à tracer une lettre de nouvelle invention. Et vous, tablettes polies, recevez l'empreinte de mon stilet, annoncez à celui pour qui je souffre, quel est l'excès des tourments qu'on me prépare. Ahi ! Voilà une R qui ne vaut rien. Marchez, courez, partez, allez par toutes les rues, de ce coté-ci, de ce coté là, dépéchez vous.

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Digression. Ou intermède.

Qu'il nous soit permis de faire une petite digression pour nous louer nous mêmes. Il est étrange que tout le monde prenne à tâche de dire du mal de toutes les femmes. On ne cesse de se plaindre que nous ne sommes nées que pour la ruine du genre humain ; que de nous, viennent les querelles, les dissensions, les chagrins, la guerre. Si cela est pourquoi nous épousez vous ? Pourquoi nous défendre de sortir de la maison ? Pourquoi trouver mauvais que nous présentions seulement la tête à la fenêtre ? Quelle rage avez vous de garder si soigneusement ce que vous apelez un mal ? Si une pauvre femme met le pied dehors, et que son mari la trouve, il entre en fureur ; au lieu qu'il devrait se réjouir et faire des sacrifices, en voyant sa maison délivrée d'un si grand mal. S'il arrive qu'une femme couche dans une maison étrangère, à cause que lasse de gambader, elle n'aura pu revenir chez elle ; il n'y a point de maison, point d'appartement, point de lit, où le mari jaloux n'aille la chercher. Regarde-t-elle par la porte ? Il dit aussitôt qu'elle cherche quelqu'un des yeux. Se retire t-elle par modestie, tout le monde voudrait qu'elle se montrât. Et puis vous les appelez la ruine des hommes ! Il est plus clair que le jour que nous valons mieux qu'eux. Vous dites que non ; et nous soutenons que si. Et pour le prouver, il n'y à qu'à nommer les uns et les autres, pour voir que ce sera vous qui serez condamnés sur l'étiquette. Lequel

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vaut mieux, par exemple, de Carmin , ou de Nausimaque ? N'est ce pas celle ci ? Leurs œuvres parlent assez d'elles-mêmes. Cléophon n'est il pas pire cent fois que la fameuse courtisanne Salabacco ? Y a-t-il quelqu'un qui ose se comparer à la brave Aristomaque de Marathon, ou à Stratonice ? Et pour le conseil, est il quelqu'un des conseillers de l'année passée qui vaille Eubule ? il faut donc dire que nous valons beaucoup mieux que les hommes. Y a-t-il une femme qui ait jamais comparu en jugemens pour avoir dérobé à l'état 50 talents ? Le plus grand larcin qu'ait jamais fait une femme, aura été quelque boisseau de blé ; encore l'aura-t-elle rendu le même jour à son mari. Nous ferions voir aisément que c'est vous qui avez véritablement les défauts dont vous nous accusez. C'est vous qui êtes les gourmands, les filous, les fripons, les coquins ; c'est vous qui avez été moins capables que nous, de garder les anciennes pratiques. Nous avons conservé le métier tel que nous l'avons reçu de nos devancières, l'ensouple, la camette, la bobine, les paniers, le parasol. Au lieu que la plupart de ces méchants hommes ont perdu le bouclier avec la lance et laissé dans les combats tomber les armes de dessus leurs épaules. Il est donc vrai que nous aurions des reproches infinis à faire aux hommes. Mais nous nous arrêterons à ce seul article. Il eût été de la justice de décerner quelques honneurs à celles d'entre nous qui ont donné à la république des capitaines de

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(a) Voyez dans Plutus.

(b) Voyez dans L'assemblée des femmes.

réputation ; par exemple quelque présé préséance à la fête de Thésée (a) , ou à celle du Chapeau blanc (b) , enfin dans toutes les autres fêtes dont nous faisons le service ; et que celle qui aurait enfanté un homme de nul mérite, comme un mauvais capitaine de galère ou de vaisseau, fût obligée d'être assise après celle qui aurait donné un brave homme à la république. Par quelle justice y a-t-il, o ! Ville d' Athènes ! que la mère d' Hyperbole , vêtue de blanc, et la tête ornée d'une chevelure flottante, soit assise auprès de la mère du grand Lamaque ? Il faudrait aussi que ces mères de poltrons, quand après avoir prêté de l'argent à intérêts, elles voudraient exiger le courant de leurs rentes de leurs créanciers, fussent bafouées, et qu'on leur dit : mérites tu des intérêts, toi qui t'es si peu intéressée à l'intérêt du public, que de lui avoir donné un poltron qui ne s'intéresse ni de sa gloire, ni de son profit ?



Mnésiloque . Une femme. Mnésiloque.

Je perdrai la vue, à force de regarder et d'attendre, et cet homme ne vient point. Qui peut l'arrêter ? Il aura grand honte quand il trouvera Palamède tout froid. Mais je m'avise d'un nouveau stratagème pour le faire venir. Je vais imiter la nouvelle Hélène ; aussi bien me voilà déjà tout habillé en femme.

Une femme.

Que machines tu ? que regardes tu ? Tu trouveras

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(c) Pris de l' Hélène d' Euripide

en moi une fâcheuse Hélène , si tu ne te tiens en repos, jusqu'à ce qu'il paraisse quelqu'un des Prytanes.



Mnésiloque en Hélène. Une femme. Mnési.

(c) Je vois du fameux Nil les ondes fertiles en jeunes beautés ; ondes, dont Jupiter au lieu de pluie arrose le terroir blanchi d'écume de l'Egypte habitée par un peuple qui use d'une boisson noire.

La femme.

Par Hécate porte-lumière ! Tu es bien méchante.

Mnési.

Pour moi, j'ai pour patrie une ville qui n'est point obscure ; c'est Sparte ; et Tindare est mon père.

La femme.

Tindare ? Fripon ! Dis plutot que c'est quelque vaurien vaurien comme Phrynondas .

Mnési.

Et je m'appelle Hélène .

La femme.

Tu deviens encore femme, avant que d'avoir porté la peine de ta première métamorphose.

Mnési.

Et tant de grandes âmes ont péri pour l'amour de moi sur les rives du Scamandre.

La femme.

Que n'y périssais-tu-aussi ?

Mnési.

Et moi je suis ici. Mais d'où vient que mon cher et malheureux époux Ménélaus ne

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parait point ? Méchants corbeaux, pourquoi me laissez vous encore en vie ? Je sens je ne sais quoi qui me chatouille le cœur. O ! grand Jupiter ! fais que l'espérance que je conçois ne soit point trompeuse.



Euripide en Ménélas. Mnésiloque en Hélène . La femme. Euripide.

Qui règne dans ce superbe palais ? qui sera-ce qui donnera généreusement le couvert à des étrangers fatigués de la tempête, et du naufrage qu'ils ont fait sur les ondes salées ?

Mnési.

C'est ici le palais de Protée .

Euri.

De quel Protée ?

La femme.

Le maudit menteur ! Il y a dix ans que la pauvre Protée est morte.

Euri.

En quelle région notre esquif est il abordé ?

Mnési.

En Egypte.

Euri.

O ! Malheureux ! où sommes nous tombés.

La femme.

Est-ce que tu crois ce scélérat qu'on va faire mourir de male mort ? Il se moque de toi. C'est ici le temple de Cérès et de sa fille .

Euri.

Et Protée est-il ici ? Est-il ailleurs ?

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(a) On a fait voir dans la préface comment les chrétiens pensent autrement là dessus que ne pensaient les payens et même les juifs.

/Critylla ?

?

La femme.

Il faut, pauvre étranger, que la tempête t'ait renversé la cervelle, pour demander si Protée est à la maison, ou dehors, Protée qui est morte il y a si longtemps.

Euri.

Hélas ! la mort l'a donc ravi ? où est son tombeau ?

Mnési.

Le voici ; nous sommes assises tout auprès.

La femme.

Puisses-tu périr mille et mille fois, toi qui oses appeler un autel un tombeau (a) !

Euri.

D'où vient, belle Étrangère, que tu es assise auprès de ce monument, la tête couverte d'un voile ?

Mnési.

On veut me forcer à épouser le fils de Protée .

La femme.

Malheureux ! Pourquoi trompes tu cet étranger ? C'est un fripon qui a été surpris ici fourré parmi les femmes, pour leur voler leurs bijoux.

Mnési.

Crie tant que tu voudras et me charge d' injures. [?]

Euri.

Belle Étrangère ! qui est cette vieille qui ne cesse de t'interrompre ?

Mnési.

Elle ? C'est Théonée fille de Protée .

La femme.

Tu en as menti, par les Déesses. Je suis Cotyle fille d' Antithée , du canton de Garguet ; et toi, tu n'es qu'un fripon !

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Mnési.

Dis tout ce que tu voudras ; mais sache que je n'épouserai point ton frère. Ce serait trahir mon cher époux Ménélaus qui est au siège de Troie.

Euri.

Femme ! que dis tu ? tourne vers moi tes yeux brillants.

Mnési.

J'ai honte de te regarder, après m'être défiguré les joues de peur de plaire au fils de Protée .

Euri.

Que vois je ? Je me sens interdit. O ! Dieux ! Est ce une apparition ? Qui es tu ?

Mnési.

Et toi-même, qui es tu ? Car un pareil étonnement nous a surpris tous deux.

Euri.

Es tu de Grèce, ou de ces contrées ?

Mnési.

Je suis Grecque ; mais toi, je veux aussi te connaitre.

Euri.

Je n'ai jamais rien vu de plus ressemblant à Hélène .

Mnési.

Ni moi, rien qui ressemble mieux à Ménélaus (par les sourcils).

Euri.

Tu connais le plus misérable de tous les hommes.

Mnési.

O ! Cher mari, si longtemps attendu par ta fidèle épouse ! que tu viens à propos pour me délivrer ! Prends moi, prends moi, donne moi tes bras, permets

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que je t'embrasse ; emmène, emmène moi d'ici sans différer d'un instant.

La femme.

Quiconque entreprendra de t'emmener s'en repentira, par les deux Déesses, tant il [?] aura des coups de flambeau.

Euri.

Quoi ? Tu m'empêcheras d'emmener à Sparte ma femme, la fille de Tindare ?

La femme.

Il me semble que tu ne vaut pas mieux que l'autre, et que tu es du complot. Je comprends à présent ce que voulait dire tout ce galimathias d’ Égypte. Mais sache que celui que tu voulais délivrer, sera puni, car je vois venir le Prytane avec un archer.

Euri.

Cela ne vaut rien ; je me retire.

Mnési.

Et moi, malheureux que je suis, que deviendrai je ?

Euri.

Prends patience, et ne t'inquiète nullement. Je ne t'abandonnerai point, pendant que j'aurai un souffle de vie.

La femme.

Le pêcheur a perdu sa peine ; il n'y a rien de pris à cette ligne.



Le Prytane. Mnésiloque . La femme. Le Prytane.

Voilà donc le scélérat dont Clisthène nous a parlé ! Ho ! l'homme de bien ! pourquoi

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baisses- tu la tête ? Archer ! qu'on le saisisse, qu'on le lie à une planche, et qu'on l'expose là. Ne le quitte point, et, armé d'un bon nerf de bœuf, donne sur tous ceux qui oseront s'en approcher.

La femme.

C'est bien dit ; car il est venu un drille marin qui a pensé me l'enlever.

Mnési.

Monseigneur le Prytane ! au nom de cette main droite que vous savez si bien plier pour prendre l'argent qu'on vous donne ; faites une légère faveur à un malheureux qui va mourir.

Le Pry.

De quoi s'agit il ?

Mnési.

Commandez à l'archer de me dépouiller tout nu, et de me lier de cette sorte contre la planche ; afin qu'un vieillard tel que je le suis ne soit point exposé avec des habits de femme à la risée des corbeaux à qui je dois donner à souper.

Le pry.

Le conseil a ordonné que tu fusses exposé avec tous ces habits, afin que ton impudence soit connue de tout le monde.

Mnési.

O ! Jupes détestables ! quel affront me faites vous ! O ! Désespoir !



Le Chœur.

Avançons. C'est à nous autres femmes de marquer

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la cadence par nos pas mesurés dans ces vénérables orgies consacrées aux Déesses, fêtes que Pauson célèbre religieusement en jeûnant et demandant dans ses vœux le plus ardents de les revoir souvent. Avancez. Reculez. Que ces pieds légers marquent un cercle parfait ; que les mains entrelacées ne se quittent point ; que l'on danse avec vitesse et que chacune ait l’œil sur toutes les autres pour le maintien de la cadence, et de la bonne grace. Chantez aussi les Dieux du ciel, et les célébrez avec la sainte fureur qui convient à une danse religieuse. Si quelqu'un s'attend que des femmes qui sont occupées à un acte de religion s'arrêtent à dire du mal des hommes, il se trompe. Mais il faut, par une nouveauté agréable, arréter les pas de ce chœur arrondi. Avance. Célèbre les louanges du Dieu de l'harmonie, et d' Artemis la chasseresse, la chaste reine. Honneur à celui qui lance ses traits si loin. O ! Dieu ! donne nous la victoire. Chantons aussi la parfaite Junon , puisqu'elle préside aux chœurs, et tient les clés du mariage. Honorons aussi Mercure berger, Pan , les nymphes ses amies, et les prions de marquer leur approbation par leurs ris. Dansons, femmes, dansons ; mais jeûnons aussi. C'est assez. Retourne en cadence et que le pied dansant en rond marque tous les mouvements de la symphonie. Seigneur Bacchus , couronné de lierres ! conduis nous et nous chanterons dans nos chœurs : vive

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Bacchus ! Vive le fils de Sémèle , qui se plait à danser aux chansons avec les nymphes sur les montagnes, pendant que les échos du cithéron retentissent du bruit, que les sombres forets en frémissent, que le collines pierreuses en tremblent, et que le lierre entortillé autour de ta tête semble pousser des rejetons verdoyants.



Un archer . Mnésiloque . L'archer.

Toi faire ton pleureman là, tout à ton quemodité, à l'air.

Mnési.

Archer ! Je t'en prie.

L'archer.

Toi point prier moi.

Mnési.

Lâche un peu la cheville.

L'archer.

Si n'aitre pas un temante pien crant.

Mnési.

Ahi ! Malheureux ! tu serres encore davantage !

L'archer

Toi li fouloir encore pû tur ?

Mnési.

Ahi ! ahi ! puisses tu périr !

L'ar.

Toi foulle poin taire ton queule, tiaple te fieux ? Toi attendra pien moi là, que je fasse venir sur mon dos mon paillasse, pour carter toi.

Mnési.

Voilà ce que me vaut Euripide ; o ! Dieux !

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Jupiter sauv sauveur ! je vois luire un rayon d'espoir. Cet homme ne m'abandonnera pas. Il me fait signe qu'il va paraitre en Persée . c'est à dire qu'il faut que je devienne Andromède . J'en ai déjà les liens. Il paraît qu'il vient pour me délivrer, car il ne va pas plus loin.



Euripide en Persée. Mnésiloque en Andromède . Euri.

Aimables et chères nymphes ! comment pourrai-je approcher et surprendre le Scythe ? O ! toi dont les regards pénètrent au fond des antres pour voir ce qu'y font tes Nymphes , Sois-moi favorable, o ! Diane ! et laisse moi approcher de cette femme malheureuse.

Mnési.

Quelle cruauté, de m'avoir ainsi lié ! J'étais prêt à me délivrer de cette vieille puante et infecte ; et me voilà encore pis. Ce cruel archer ne me quittera pas tant [?] qu'il ne m'ait vu manger par les corbeaux. Le voyez vous ? O ! Dieux ! Est ce ainsi que je me promettais de passer la fête avec les jeunes filles de mon âge ? au lieu de cela, je me trouve accablée de chaines et de liens, destinée à servir de pâture au monstre marin. Sont ce là les noces que le sort me promettait ? femmes ! Pleurez une fille digne de pitié ! Quel horrible malheur est le mien ! Mes proches

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Hélas ! sont insensibles à mes cris ; et malgré mes larmes, je vais descendre dans les enfers. Hélas ! qu'est devenu celui qui m'a rasé la barbe, qui m'a fait prendre ces funestes habits, qui m'a porté à me présenter à ces mystères secrets qui ne sont permis qu'aux femmes ? Démon impitoyable ! inexorable parque ! Malheur à moi ! Qui est-ce, hélas ! qui jetera un œil de pitié sur les maux extrêmes que j'endure ? que l'astre brulant qui nous donne le jour puisse consumer ce maudit barbare qui me garde. Aussi bien, destiné comme je le suis par la colère des Déesses à passer chez les morts et finir ma vie par ce triste cordeau qui m'étouffe, je n'espère plus fuir jouir de cette lueur immortelle.



Euripide en Ménélas. Mnésiloque en Hélène. La femme. Euri.

Salut, ma chère enfant. Que les Dieux confondent ton père Céphée qui a eu la cruauté de t'exposer de cette sorte.

Mnési.

Qui es-tu, qui me témoignes de la compassion ?

Euri.

Je suis celle qui répète les voix et qui en rends les sons, et qui l'an passé servis Euripide dans une représentation qu'il donna en ce même lieu. Allons, mon enfant, voici ton rôle. Pleure et gémis d'une manière lamentable.

Mnési.

Et toi, pleure et gémis après.

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(c) Les échos du grec ne sont que des répétitions sans sel et sans esprit . On les a égayés dans cette traduction.

Euri.

Ce sera mon affaire. Commence seulement.

Mnési.

O ! nuit sacrée, que ta course est lente, que ton char avance peu sur le dos étoilé de l' Olympe dont la hauteur immense étonne ici nos sens !

Euri.

(c) ...innocents.

Mnési.

Triste Andromède que je suis ! quel abîme de maux m'accable ?

Euri.

...cable.

Mnési.

Je sens les horreurs de la mort.

Euri.

...mord.

Mnési.

Tu te moques de moi, vieille carcasse.

Euri.

...casse.

Mnési.

C'est bien dit, qui en aurait la force.

Euri.

...force.

Mnési.

Je ne puis.

Euri.

...Et puis ?

Mnési.

Encore ? Ne me laisseras tu pas me plaindre seul tout à mon aise ? C'est le seul soulagement

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des pauvres tourmentés.

Euri.

...mentez.

Mnési.

Va t'en au diable !

Euri.

… Diable ?

Mnési.

Sera-ce tantôt fait ?

Euri.

...tôt fait ?

Mnési.

On se moque de moi.

Euri.

...moi ?

Le Scythe.

Moi l'entendre quelqu'un qui raissonne.

Eurip.

…............................................sonne.

Le Scythe.

Moi lefair fenir montsir li présidan. moi tout asteure li appelle.

Euri.

...pelle.

Le Scy.

D'où li fenir sti voix ?

Euri.

...vois.

Le Scy.

Moi li fair bien pantir toi.

Euri.

...tire toi.

Le Scy.

Parti ! li aitre sti fam' fieille qui se proche par tefa tefant ma ma terriere. Parti, par monne foi, lui courir pien. arrête, arrête sti mautite fieille.

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/ à l'ancre ?

Euripide -Persée. Le Scythe . Mnésiloque -Andromède. Euri.

O ! Dieux ! en quelle région bar barbare ces ailes légères nous ont elles fait arriver ? J'ai fendu les airs avec mes pieds emplumés et orné de cette tête de Gorgone , j'ai pris la route d' Argos.

Le Scy.

Que tire stissi del tête del Corconne ? Lui appelle-t-il Corconne el tête de montsir le craiftier ?

Euri.

Oui ! Je dis que voilà la véritable tête de Gorgonne .

Le Scy.

Corconne soit ; que m'importe ?

Euri.

Quel est ce nua riva ge ? et quelle jeune et divine beauté se présente à mes yeux, attachée comme un navire qui est sur le fer ?

Mnési.

Généreux étranger ! prends pitié de mes malheurs, et brise mes liens.

Le Scy.

Toi poin parler. Toi mourir tantôt, et n'afre point libreté de parler. Toi rien dire tire.

Euri.

Charmante fille ! que je me sens ému de compassion, en te voyant dans l'état violent où tu es !

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Le Scy.

Lui poin fierche. lui pêcheur fieille ; lui foleur méchant.

Euri.

Tu te moques, barbare ; je ne vois que trop que c'est Andromède , fille de Céphée .

Le Scy.

Lui poin Dermède . Toi voir plitôt l'istoire qu'il afre bien cros.

Euri.

Souffre, mon cher, que je lui donne la main, et que je touche cette jeune beauté. Chacun a sa maladie ; pour moi, la mienne est d'être amoureux de cette Andromède .

Le Scy.

Parti, toi li fair l'amour tant que le foutras ; moi poin chaloux.

Euri.

Pourquoi donc ne me permettrais tu pas de la délier et de l'emmener coucher avec moi puisque j'en veux faire ma femme ?

Le Scy.

Toi poin tdélier lui ; sinon moi tonne de l'étrivière.

Euri.

Je la délierai pourtant.

Le Scy.

Parti, moi coupe tête.

Euri.

Hélas ! que ferai-je ? quelles raisons pourrai-je inventer ? mais des raisons à un Scyth un Scythe ! eh ! ce sont discours perdus. Je vais songer à

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quelqu'autre machine.

Le Scy.

Foyez donc, sti méchant renard, comme lui foutre tromper moi.

Mnési.

Souviens toi Persée , comme tu m'abandonnas au milieu de mes malheurs.

Le Scy.

Et toi foutre poin incore in pti folée de coups d'étrivières ?



Le chœur.

Je veux invoquer Pallas qui se plait à nos danses ; je veux inviter à nos jeux cette vierge divine qui n'a jamais subi le joug ; la puissante protectrice de notre ville, qui en tient les clés et l'honore de sa bienveillance. Montre toi, Déesse ennemie des tyrans ! les femmes assemblées t'appellent. Viens, et amène avec toi la paix amie des fêtes. Venez aimables Déesses ; laissez vous fléchir à nos vœux ; venez dans ce bois sacré où il n'est pas permis aux hommes de pénétrer les mystères que nous célébrons. Venez ; faites briller les feux dont vos beaux yeux sont animés. Venez, adorable Cérès , et vous, belle Proserpine . Et si jamais vous avez prêté l'oreille à nos prières le plus ardentes, laissez vous encore fléchir à celles ci.



Euripide . Le chœur . Euri.

Mes dames ! faisons la paix, je vous en conjure. Je vous promets de ne plus dire de mal de vous .

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Le ch.

Qui te porte à nous faire ces avances ?

Euri.

Eh ! Ne voyez vous pas mon pauvre beau frère attaché à cette planche ? Je jure que si vous me permettez de le remmener, je ne ferai plus de portraits désavantageux de vous. Mais aussi, si vous me refusez, vous pouvez compter que je vais faire devant toutes les troupes que voilà un ample récit de ce que vous faites à la maison.

Le ch.

Pour ce qui nous regarde, nous consentons que tu emmènes ton beau-frère. Mais ce malotru de Scythe ne le voudra pas. C'est à toi de le persuader.



Euripide en vieille, avec une fille et une joueuse de flûte. Le Scythe . Euri.

C'est mon affaire cela. Mais pour toi, ma pauvre Elaphion , il faut te souvenir de ce que je t'ai dit par les chemins. Marche et carre toi comme il faut. Et toi, mon enfant, joue sur la flute un air Persique.

Le Scy.

Quel pruit me réfeille ? Est ce qu'on tanse ?

Euri.

Ce n'est rien, mon bon monsieur, rien ce n'est. C'est seulement que cette bonne enfant prélude pour une danse que nous allons faire chez des hommes de nos amis.

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Le Scy.

Lui prelute, et lui tanse ! moi poin faire pestacle. Lui saute pien. Parti lui léchair comme un puce sur un pis de mouton.

Euri.

Hausse un peu la cotte, mon enfant ; et t'assieds sur les genoux du Scythe. Etends tes jambes que je détache tes souliers.

Le Scy.

Fort pien, fort pien. Toi sier, toi sier sur mon chenou, mon ptite carçonnet. Parti lui afre le teton pien tur, et li aitre tout rond comme un poule.

Euri.

Joue donc ; est-ce que tu as peur du Scythe ?

Le Scy.

Lui afre un pon cros terriere.

Euri.

Qui est ce pelé que je vois là, qui montre sa tête, et puis la cache ? ne demeureras-tu pas au logis ?

Le Scy.

Son maison li aitre à présent trop crandement petite.

Euri.

C'est assez. Prends ton manteau. Il est temps que nous allions.

Le Scy.

Quoi ? poin paiser moi ?

Euri.

Il a raison, baise le.

Le Scy.

Ah ! qu'il aitre pien tous sti langue !

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Cent fois pli meilleur que le miel attique. Pourquoi poin couchair in pti carteure contre moi ?

Euri.

Adieu, monsieur l'archer. Cela ne se peut pas.

Le Scy.

Si fait, mon pti pon fame ; moi prie toi pien fort.

Euri.

Me donneras-tu une draqme ?

Le Scy.

Moi tonne tout.

Euri.

Voyons l'argent.

Le Scy.

Moi poin l'archant. Toi prends mon carquoi.

Euri.

A condition que nous trouverons de l'argent dessus.

Le Scy.

Toi fenir afec moi, ma choli pti carçonne. Et toi carte pien sti fieille homme-fame. Comant pelle ton nome ?

Euri.

Artémisia .

Le Scy.

Moi pien souvenir del nome. Artomouxia .



Euripide . Mnésiloque . Euri.

O ! Mercure ! Inventeur de la fraude ! Je te suis redevable de celle-ci. Va t'en toi et emmène cet enfa enfant, je vais délier celui-ci. Pour toi, aussitôt

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que je t'aurai délié, ne manque pas de t'enfuir au plus vite, et de te rendre au logis auprès de ta femme et de tes enfants.

Mnési.

J'en aurai soin si je puis une fois me voir libre.

Euri.

Te voilà en liberté ; c'est à toi maintenant à trouver tes jambes, avant que le Scythe revienne.

Mnési.

C'est ce que je fais.



Le Scythe . Le chœur . Le Scythe.

Parti li ponne fieille. Li afre un pon pti carçonnette. Li pien tousse. Li poin refaiche. Où li aitre sti fieille ? Ah ! moi poin foir lui. Moi pertu. Moi point troufair mon crémenel. Fieille ! hau ! fieille ! Moi poin contant de sti fieille. Artomouxia ! hau ! La méchante m'afre choué d'un tour. Moi courir après tous les teux. Mais que faire ? où est sti fieille ? Artomouxia , hau !

Le ch.

Appelles-tu la vieille qui avait des flûtes ?

Le Scy.

Eh ! oui. fous l'afre point vue ?

Le ch.

Elle est allée par là et un vieillard avec.

Le Scy.

Et le fieillard afre un rope chau chaune ?

Le ch.

Il en avait une.

Le Scy.

Ah ! tannée fieille ! Par où courir ? Artomouxia !

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hau !

Le ch.

Tout droit. Par ici. non, par là. Ce n'est pas là le chemin. Tu retournes sur tes pas.

Le Scy.

Sti méchant Artomouxia pourra bien m'échapper.

Le ch.

O ! Cours au Diable, si tu veux ; tu as bon vent. C'est assez crier pour lui montrer le chemin. Il est temps que chacune de nous retourne au logis. Nous prions les Déesses d'avoir pour agréables les jeux que nous venons de représenter.

Fin des Femmes à la fête de Cérès.

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